Quelques informations sur l'animal...
Je m'appelle Daniel Glazman. J'ai à
la date de rédaction de ces lignes (voir en bas de page) 43 ans. J'ai
deux enfants, deux petits geeks en herbe, Michel et Gabriel,
respectivement 11 et 8 ans.
J'habite à Saint-Germain en Laye. J'ai toujours vécu en France modulo un épisode de quelques mois en Suède.
Je suis tombé dans l'informatique quand j'étais petit... Il faut dire que le piège était bien organisé !
Contrairement à tous les petits gosses de ma classe, à 6 ans, je ne voulais pas être pompier ni policier. Je rêvais d'être égyptologue... Si ! La faute à mon institutrice, Melle Perrault, ancienne de l'Ecole du Louvre qui laissait ses élèves potasser ses cahiers. On était comme ça plusieurs gosses à avoir appris la grammaire de l'égyptien antique et on passait assez régulièrement plusieurs heures au Musée du Louvre à déchiffrer des papyrus ou des inscriptions sur pierre. Les gardiens du musée étaient particulièrement gentils avec nous : on était tellement petits que l'on arrivait à peine à la hauteur des vitrines ! Il nous prêtaient un tabouret... J'en ai gardé un gout prononcé pour les langues et les systèmes d'écriture. Je suis capable de faire des milliers de kilomètres pour une exposition présentant une tablette rare ne sortant jamais de sa réserve.
La vocation égyptologique m'a passé quand j'ai décidé de devenir astronaute, même si j'ai encore un pincement dès que je vois un hiéroglyphe.
J'ai donc commencé à réellement m'intéresser à des choses vachement techniques et je suis tombé un jour en contemplation devant un malheureux kit électronique du type sonnerie-à-trois-tons-et-leds-rouges amené par mon copain d'enfance Emmanuel. Celui-ci le tenait de son père, Roger, réparateur/installateur de télévisions. Cela m'a occupé quelques années. C'était la grande époque de Microsystèmes et d'Electronique Pratique.
Et là, pof, une banale visite dominicale m'a fait basculer dans l'univers des fadas de la babasse. C'était en août, je devais avoir 9 ans et des poussières, et le Palais de la Découverte m'ouvrait ses salles pleines de merveilles ensorcelantes.... Délaissant la pénible description d'une centrale nucléaire, je suis rentré avec mes parents dans la salle de mathématiques. Dans cette salle de maths, deux escaliers latéraux amenaient à une coursive supérieure.
Dans cette coursive, le choc : un IBM 1130 à écran oscilloscopique et cartes perforées dans le bocal, et surtout un PET de Commodore sur le seul bureau hors du bocal. Un type était en train de manipuler cet objet bizarre, qui comprenait un écran, un clavier à toutes petites touches et un magnétophone comme mémoire de masse ! Les autres caractéristiques de la bête ? Un processeur 6502, 4 kilo-octets de mémoire, un écran semi-graphique de 25 lignes de 40 caractères. Une vraie merveille...
La suite est banale... Le nombre de gosses visitant le Palais de la Découverte uniquement pour le PET, puis les CBM, puis l'Apple, grandit au point qu'il fallait se précipiter à l'ouverture à 10h00 avec des sandwiches pour ne quitter le Palais qu'à la fermeture à 18h00. Entre temps, impossible de décoller de son siège sous peine de perdre sa place !!!
Je préciserai seulement que les gosses du Palais trouvèrent rapidement un lieu de 'délestage'. Cela s'appelait le Centre Mondial de l'Informatique, et c'était situé à deux cents mètres du Palais. Il parait que ce Centre fut un échec financier grave. Cela n'a dans mon esprit, et dans celui de la plupart de ceux qui l'ont fréquenté, aucune espèce d'importance et son fondateur, Jean-Jacques Servan-Schreiber, mériterait une médaille spéciale pour services exceptionnels. Je m'explique : ce Centre a mis en libre-service des ordinateurs derniers cris et même à l'époque une Lisp-Machine... Des centaines de gamins chevronnés y ont découvert leur vocation et cela a donné au pays quelques années plus tard une vraie génération de babasseurs fous, amoureux des ordinateurs, capables de coder n'importe quoi en n'importe quel langage. Que JJSS soit ici au moins remercié par moi ; je regrette de n'avoir jamais pu le faire de vive voix.
Je manquerais à la politesse en oubliant que le CNAM (Arts et Métiers) m'avait aussi ouvert ses portes grâce à Mme Maiques et me permettait de travailler sur le Logabax 500, puis 800, du Centre de Calcul, puis que mon école (Ecole Active Bilingue JM) avait eu la bonne idée de se ménager une salle contenant 4 Apple ][. J'étais scotché dans la salle et dès le milieu de ma classe de première, ma réputation d'informaticien fou n'était plus à faire.
Après mes études, je suis rentré dans une SSII (société de services en ingénierie et informatique) nommée Unilog. Aaaahhh, Unilog. Je me rappelle parfaitement du premier jour, c'était un lundi. Je suis arrivé à 8h30 au bureau. Le second employé est arrivé à 9h30. A 11h00, j'ai appris que j'étais attendu à une formation technique rue de Londres. Soudain, la faille spatio-temporelle s'ouvrit, et je me suis retouvé dans un cours MVS/Cobol... Le chargé de cours s'est payé une rigolade d'un bon quart d'heure quand je lui ai demandé s'il y avait d'autres GUI sous MVS... Après cela, j'ai traîné trois mois de projet de merde en projet de merde. J'ai commencé à sérieusement envisager de partir quand nous avons perdu un gros contrat avec la RATP à cause du commercial avec qui j'avais été leur rendre visite : il avait déclaré au décideur technique de la RATP qu'Oracle ne connaissait pas les triggers ! C'est le même commercial qui m'avait dit un jour "tu crois vraiment qu'il y a du pognon à faire avec Unix et Internet ?"... Un barbu, aux chaussettes trouées et distendues. En Novembre 1991, j'ai eu l'immense plaisir de remettre ma démission à Gérard Gallen, patron de la Division Industrie d'Unilog. Il prétend depuis qu'il m'a viré, ce qui est rigoureusement faux.
Je suis alors retourné toquer à la porte de GIPSI SA, dans laquelle j'avais effectué un stage pendant mes études. Mon patron y était alors Jean-François Abramatic (futur président du W3C), mon responsable technique était Jean Paoli (futur éditeur de XML 1.0), le responsable officiel du stage était Bertrand Mélèse (futur pdg de GRIF SA), le chercheur à l'origine du produit était Vincent Quint (futur European Deputy du W3C). Bref une boîte parfaitement recommandable ! GIPSI s'était scindé en deux, et mes anciens collégues avaient lancé GRIF SA, qui développait et vendait un éditeur SGML.
Là, le boulot était vraiment pas mal du tout : bug-fixing dans le noyau de l'éditeur SGML pour apprendre l'architecture du code, puis design et implémentation de copy/paste/replace en SGML, projet BookMaster pour IBM, et enfin la première implémentation Wysiwyg des tableaux CALS (qui ont donné plus tard les tableaux HTML) dans un éditeur/visualiseur SGML. Comme au bout de deux ans, j'avais fait le tour de la technique, que j'avais des doutes plus que sérieux sur les compétences de CEO du patron Bertrand Mélèse, que je trouvais (comme tout le monde d'ailleurs) que le commercial Jean-Charles d'Harcourt nous menait à la catastrophe, je suis parti fin 1993. Grif SA a vivoté jusqu'à sa chûte définitive. Le produit a été enterré par le repreneur, et l'équipe technique de valeur internationale a été dispersée.
Dans le même temps, et faisant suite à un projet de fin d'études, j'ai écrit le logiciel de messagerie Meuf (Mail Extended Using Faces), un des tous premiers agents de messagerie internet totalement wysiwyg et internationalisés : gestion complète de MIME, restitution video dans l'outil, composition et restitution Unicode, drag and drop, etc.
J'ai alors rejoint la Direction des Etudes et Recherches de EDF. Ah, j'allais oublier : j'ai fait un très bref passage chez des gros nuls nommés CR2A. J'avais accès, une heure par jour à peu près, à un Sun 3/50 et c'est tout ! Aucune autre machine de disponible ! Quelques noms me reviennent : le patron Mauguen était ancien pacha sous-marinier et faisait visiblement semblant de comprendre quand on lui parlait d'informatique, mon patron direct était plutôt supportable, et un de ses copains Pitette était un zozo. J'ai croisé ce dernier plusieurs années plus tard lors d'une réunion EDF ; mon collègue qui organisait la réunion me disait, sans savoir que j'avais cotoyé le gars chez CR2A, "ce Pitette, c'est un vrai zozo". Comme quoi...
J'ai donc été recruté fin mars 1994 à la DER de EDF comme Ingénieur de Dvpt Logiciel...et j'ai été balancé sur les tests de haut débit ATM dès mon arrivée. Bon, on ne peut pas dire que ce fut le 'perfect fit'. Au bout d'un mois et demi, ma patronne de l'époque, Jocelyne Lemagnen, m'a demandé d'aider Sylvain Langlois qui bossait sur X.500. Le problème c'est que pour bosser avec Sylvain, qui est au demeurant un très bon chercheur avec un pif excellent et accessoirement un mec vachement sympa, ce n'est pas une synécure pour ne pas dire que c'est franchement la croix et la bannière... Dans le genre je-bosse-tout-seul, quoi.
J'ai donc commencé à jeter un oeil en juin 1994 - juste avant mon opération du ventre et mon mariage (ces deux évènements sont indépendants ;-) - sur un truc dont l'explosion était visiblement imminente et qui s'appelait Web. A cette époque, le serveur d'images de charme du CNAM représentait à lui tout seul 50% du trafic de données transatlantique... Un détail important : le premier proxy de EDF, totalement pirate bien entendu, a été mis en place avant mon arrivée par Sylvain Langlois et Emmanuel Poiret; Sylvain avait aussi commencé un serveur HTTP. A cette époque (Mosaic sortait sa première alpha-version pour PC et l'annuaire de l'Urec ne contenait que 30 entrées !!!), ils étaient des précurseurs.
A dire vrai, déployer du Web dans une grannnnnddde et statique maison comme EDF n'a pas été de tout repos. J'ai pris un nombre conséquent de baffes et l'évangélisation ne s'est pas faite toute seule. Sans la "protection" de quelques types bien, j'aurais été rapidement confiné dans un bureau avec un crayon à papier pour tout hardware. Il y a d'ailleurs toujours de nos jours des réticences sérieuses à l'Internet à EDF ("Quoi, vous voulez dire qu'un de mes subordonnés peut envoyer un mail au Directeur sans passer par moi ??? Et lire un document sur un serveur Intranet que moi je n'aurais pas encore reçu ?").
Mais bon, à force d'à force, on a fini pas faire pas mal de trucs : écrire du soft (et même le premier ftp-alike au-dessus de HTTP GET/PUT), monter une équipe interne de prestation de services, faire éclore du Web un peu partout, rédiger un Cadre de Cohérence d'entreprise, monter un incubateur d'idées, etc. J'ai même pu représenter EDF auprès du World Wide Web Consortium, où j'ai contribué directement à HTML 4 et CSS 2.
Je suis quand même tombé dans la filière informatique de EDF sur des gens bizarres... Des ingénieurs de très (mais alors très très) haut niveau à la base, et quelques vrais neuneus dans la hiérarchie. Des qui ne comprennent rien à rien, n'ont aucune loyauté pour leur employeur, et ne se sentent plus depuis qu'on leur a dit qu'ils étaient managers. Depuis le départ de la R&D de Paul Caseau, rien ne va plus vraiment.
Mi 1999, je voyais venir la constitution de la nouvelle Direction de l'Informatique de EDF et GDF comme une excellente idée, capable de réellement faire avancer le schmillblick en fédérant, cristallisant, catalysant. Trois mois plus tard, et malgré les promesses que le Directeur Yves Bamberger m'avait faites personnellement au téléphone, je déchante. La DSII est une usine à recaser les managers, fussent-ils mauvais, et ne va s'occuper pendant un an et demi à deux ans que de sa propre organisation. Mais, je garde encore le moral et répond à la demande de Bamberger en lui soumettant mes idées sur les NTIC. Comme d'habitude, rien n'en est ressorti.
J'en ai eu alors marre de bosser comme une brute pour des clopinettes, pour des incompétents dont la spécialité est plus le coup fourré que la loyauté. Je n'avais en fait plus l'intention d'attendre encore six ans pour des décisions pouvant se prendre en 24 heures. J'ai remis ma démission en fin d'année 1999. Pour la petite histoire, c'était, sur le site de Clamart de la Division R&D de EDF (1600 personnes) la première démission de l'année... Depuis, le rythme a assez nettement progressé.
Je suis alors passé chez Amazon.fr comme CTO. Cette information n'est publique que depuis début septembre 2000. Une ambiance épouvantable, des bureaux très loin de Paris, un job loin des promesses des entretiens d'embauche, un board pénible et arrogant. L'expérience a tourné court assez vite, heureusement. Leur service est réellement excellent, mais il faut aimer la Net Slavery pour bosser là-dedans. L'autre explique peut-être l'un. Quant aux stock-options, leur valeur a été divisée par trois entre ma date d'entrée là-bas et la date de rédaction de ces lignes...
J'ai alors failli rentrer au W3C ! Et si ! Cela s'est même joué à 24 heures... Mais des pépins familiaux extrêmement graves m'ont empêché de pouvoir quitter Paris pour Sophia-Antipolis et j'ai du renoncer au plaisir de retrouver Chris Lilley, Bert Bos, Ian Jacobs, Daniel Dardailler, Yves Lafon, Vincent Quint, Jean-François Abramatic et tant d'autres comme collègues de travail.
Je suis alors rentré chez Halogen comme Directeur Technique, la fusion d'un cabinet de conseil en stratégie et d'une web agency. Des suédois, à la base. Bon, pas grand'chose à en dire.
Aujourd'hui, je suis plus que jamais un informaticien, un fondu de babasse. J'ai juste levé un peu le pied quand j'ai rencontré à la naissance de mon premier fils. Comme dirait un copain, un bébé c'est plutôt chronophage mais c'est tellement marrant... Entre deux heures à rigoler avec mes boutchous et le dernier film qu-il-faut-absolument-voir-comment-mais-tu-ne-l-as-pas-vu?, mon choix est vite fait.
Ma situation a pas mal évolué fin 2000. Chez EDF, je représentais officiellement l'entreprise auprès du W3C. Je dois avouer que la participation aux groupes de travail du W3C est certainement l'activité la plus géniale que j'ai eue en dix ans, après le développement de nouvelles fonctionnalités dans le core de Grif. Cotoyer des gourous de renommée mondiale et essayer de les suivre est une joie quotidienne. J'ai du abandonner cela en quittant EDF. Quand j'ai du renoncer à rejoindre le W3C, j'ai proposé à Vincent Quint de filer un coup de main au CSS+FP WG, si le groupe était d'accord bien entendu. Ils ont accepté et je suis devenu Invited Expert dans le groupe.
A la faveur de deux réunions du groupe à Sophia-Antipolis puis Oslo en mai et août 2000, Microsoft puis Netscape et enfin Adobe m'ont approché. Et j'ai rejoint Netscape début novembre 2000.
Pourquoi Netscape ? Pour une raison simple que seul un informaticien peut comprendre : ils faisaient des belles choses. Si, je vous assure : c'est comme quand un élève de Math-Spé M' explique à des amis incrédules qu'il apprécie la "beauté" d'une démonstration mathématique... Je pense réellement que XPCOM, XUL, XBL et Gecko sont une nouvelle manière de développer des applications qui va faire fureur.
Et puis ils étaient sympas, j'y connaissais déjà pas mal de monde. Cerise sur le gateau, ils me proposaient de rester à Paris... J'ai donc rapidement quitté le consulting pour revenir à mes anciennes amours, la technologie.
J'y ai eu plusieurs activités :
- je représentais Netscape au sein du CSS+FP Working Groupdu W3C, éditeur de deux des Working Drafts de CSS 3, éditeur du futur DOM 3 Style.
- j'étais 'sherpa' dans le code de Composer, l'éditeur documentaire de Netscape. Je travaillais, au hasard, sur le support des feuilles de styles CSS.
- j'étais 'sherpa' dans le CSS Engine du navigateur où, entre autres, j'implémentais les sélecteur CSS 3.
- j'étais 'european guy', premier sherpa à ne pas être basé aux US; j'étais physiquement basé chez Netscape France, dans le building de AOL-Time Warner à Neuilly sur Seine.
Ceci dit, la chûte de Netscape fut rude, et le rétablissement rapide. Lisez donc la suite à la page suivante.
Dernière mise à jour : 17-aug-2004