Cela fait près de trois ans que j'annonce pour 2017 la fin d'une époque, et
probablement l'avènement du tri- voire quadipartisme parlementaire. Il
faut revenir un moment à ce qui s'est passé hier soir parce que toutes
les analyses n'ont pas encore été faites. Ou alors elles restent
volontairement sous le manteau, ce qui est parfaitement envisageable.
Commençons par la première cata du jour, François Fillon. Il aura
fourni l'occasion à Nadine Morano de tenir des propos avec lesquels -
une fois n'est vraiment pas coutume ! - je suis en accord complet : c'est sa
responsabilité, totale et entière. Il est désormais à la retraite, et Penelope peut désormais se rassurer sur au moins un point : il devrait passer bien plus de temps dans la
Sarthe qu'à Paris désormais... Si son propre camp n'est pas trop
rancunier, et s'il ne finit pas condamné dans les affaires qui lui ont
coûté la Présidence, il finira Sénateur. Quant à ses affidés, les
choses sont désormais claires : Sens Commun, sur qui Fillon s'est
tellement appuyé que c'est la cause principale de la démission de
Stefanini, s'est refusé à donner une consigne de vote contre le FN.
Les pourris se dévoilent enfin. Chez LR, le champ de ruines est total
et la bataille pour la reprise du parti a déjà commencé. Je pense que
Xavier Bertrand (mais plombé par son soutien sans faille à Fillon) et
Christian Estrosi (peut-être en sous-marin de Sarkozy) vont tenir la
balle. Wauquiez donne de l'urticaire aux gaullistes, Barouin n'est pas
un bosseur et Copé, même plus jeune que Fillon, fait partie de cette
génération qui a été sortie et bien sortie. Sarkozy lui-même doit
s'activer depuis quelques jours pour se poser en recours. Je ne pense
pas que cela soit une stratégie gagnante, très loin de là. Lui aussi a
été sorti et bien sorti, deux fois.
La seconde cata du jour, c'est Hamon et le PS. Le Parti Socialiste
n'existe quasiment plus. Hamon n'a jamais eu la carrure d'un
présidentiable et n'a jamais eu le bagou et la poigne pour se mesurer
à Mélenchon. Frondeur parmi les frondeurs, il n'a jamais pu compter
sur la totalité de l'appareil du Parti qui ne lui a pas pardonné, à
juste titre à mon avis, d'avoir pourri la vie du Parti et du
Gouvernement pendant cinq ans. Il est donc pleinement responsable, et
ses sbires frondeurs qui s'épanchent depuis hier soir sur la
difficulté s'assumer un bilan hollandais négatif feraient mieux de
regarder la poutre dans leur dos que la paille dans l’œil du voisin.
Martine Aubry en particulier ferait bien de désormais la mettre en
veilleuse, et rester sagement dans son fief nordiste qui, elle
l'oublie facilement, a donné des scores historiques au FN.
La troisième cata du jour, ce sont les Primaires. Les Primaires ont
été, à droite comme à gauche, une machine à perdre. Elles n'ont
aucunement permis le rassemblement des Partis, les gagnants ont campé
sur leurs positions, forts d'une pseudo-légitimité sorties des urnes.
Ce sont les candidats qui ont refusé le système des Primaires qui ont
tiré leurs épingles du jeu face aux autres. Et ce n'est pas la
première fois que des Primaires accouchent d'un échec cuisant. La
démocratie participative a, de ce côté-là au moins, un très sérieux
plomb dans l'aile, comme prévu depuis longtemps.
La dernière cata du jour, c'est Mélenchon. Je sais le bonhomme
immensément cultivé, intelligent, fin et subtil mais j'ai toujours
pensé qu'un type qui peut idéaliser Chavez a un très très TRÈS gros
problème. Le très gros problème a explosé à la tronche de Mélenchon
hier soir et il a été en-dessous de tout. Quand on se dit de gauche,
barrer la route à l'extrême-droite reste, quoiqu'il se passe autour,
une priorité absolument et entièrement incontournable. Quand on est de
gauche, on ne vote pas blanc face à l'extrême-droite, jamais.
Mélenchon, c'est finalement l'histoire simple d'une vengeance
personnelle contre le Part Socialiste qui ne lui a jamais donné sa
chance. Mélenchon, c'est l'homme seul prêt à tout, capable de
manipuler les foules et leur faire prendre des vessies pour des
lanternes. Cela a heureusement foiré.
Macron a lui réussi un coup historique : depuis les années 1980, les
« quadras » (formule consacrée depuis cette époque, rappelez-vous
Michel Noir) essayent sans y arriver de piquer les commandes à la
génération précédente. Il aura fallu attendre un saut générationnel
pour passer à un presque-quadra né, et c'est important, après Mai 1968
pour enfin y arriver. C'était le moment, c'est la décomposition LR et
PS qui le lui a permis, il s'est contenté d'enfoncer le coin au bon
moment et au bon endroit. Mais je ne suis pas dupe, Macron n'est pas
un candidat sorti de nulle part comme on nous l'affirme souvent. C'est
une machine de guerre, étudiée et montée en graine par certains. Comme
Chirac en son temps à été cornaqué par Juillet et Garaud (elle
affirmait encore il y a peu qu'ils étaient le jockey et Chirac le
cheval...), Macron a été transformé en cette machine de guerres par un
think tank et des éminences grises. Aucun complotisme là-dedans, c'est
comme cela que la politique fonctionne. Jamais il n'aurait pu émerger
sans cela. Il est certes talentueux, mais il reste à précisément
déterminer les attentes de ceux qui l'ont identifié et fait pousser
depuis le premier jour. Il reste que sa responsabilité est désormais
immense, et qu'il a intérêt à se projeter immédiatement à cinq ans :
s'il rate son quinquennat, et vu le champ de ruines qu'est le Paysage
Politique Français ce 24 Avril 2017, Marine Le Pen sera à l'Élysée en
2022.
Quant à Marine Le Pen, elle reste la digne fille de son père. Son
score, qu'elle a fêté avec force sourires, applaudissements et danses,
est loin d'être la victoire espérée. Elle n'est même pas arrivée en
première position et n'a normalement aucune chance d'approcher la
Présidence. Elle continue, comme son père, a user de ressorts
puants dès que ça va mal. Sous le tailleur de rigueur, la chemise
brune pointe dès que l'occasion fait le larron. Oui, le FN est d'extrême-droite,
il reste un parti anti-républicain, anti-parlementaire, cagoulard,
niant la liberté de la presse et népotique. Il reste, dans son noyau,
raciste et xénophobe, profondément réactionnaire, isolationniste et
dictatorial. Je suis heureux de ne pas avoir à voter Fillon pour faire
barrage au FN au second tour mais je dois avouer que je l'aurais fait
sans sourciller si cela avait été nécessaire. Ceux qui votent FN sans se reconnaître dans ce qui précède sont juste des cons, de vrais cons, des gros cons.
Les législatives vont être le second round du grand coup de balai de
2017. Je m'attends à des scores catastrophiques pour des personnages
établis dans le paysage politique depuis trente voire quarante ans.
Seul François Hollande devrait s'en sortir, par indulgence des
électeurs. Les législatives méritant un article à elles seules, j'en
publierai un autre dans quelques jours.
Finalement, l'élection présidentielle 2017, c'est enfin l'application
de l'âge légal de la retraite en politique, non ?
Mise à jour lundi 11h55 : je devrais prendre des paris, je pourrais gagner de l'argent sans travailler moi aussi...