Chapitre 4

X

Après une petite semaine passée à Palaiseau, toute la promotion embarque tard un soir dans des véhicules militaires de transport de troupes. Nous sommes tous en treillis, sac à dos pleins, et on nous déverse dans un train assez miteux à la gare SNCF de Palaiseau. Au petit matin, arrivée dans la Creuse, nouveau transbahutage dans des véhicules militaires et arrivée au Camp de La Courtine.

À La Courtine, plusieurs choses m'ont profondément marqué :

  1. la stupidité parfois profonde, crasse, affligeante des biffins en face des militaires de l'Armée de l'Air, des Marins et des fumacos
  2. l'inutilité lamentable des exercices militaires qu'on nous faisait pratiquer
  3. la faiblesse de nos corps d'étudiants (et en particulier le mien), qui nous menaient très, trop souvent à l'Infirmerie et pas seulement pour la beauté de la médecin-capitaine
  4. la prétention effarante de certains de mes khâmarades, pour quelque raison que ce soit : supériorité physique, intellectuelle ou effet de groupe. On nous le répétait souvent mais c'était malheureusement vrai : quand les talons claquent, les cerveaux se ferment...
  5. je viens d'un tout petit lycée... Nous sommes trois issus de Charlemagne en tout tandis qu'on ne compte plus les Louis-le-Grand, Stanislas, Saint-Geneviève des Bois, Lycée du Parc ou Pierre de Fermat.
  6. le bistro civil à la sortie du Camp, avec ce gars qui était scotché au zinc de 6h du matin à 22h tous les jours, gitane-maïs au bec et verre de rouge devant lui
  7. la quantité hallucinante de cèpes, bolets et girolles sur le Plateau des Millevaches au mois de septembre :-)

Le service militaire est clairement une année de perdue, pratiquement à coup sûr totalement inutile. J'y apprendrai en fait quelques rares trucs, et cette année aura au moins eu le mérite de me sortir, pour un temps, de mon quotidien d'étudiant. Pour le reste, tout me conforte dans l'idée que la conscription n'est bonne qu'à donner peut-être une éducation ou un métier à ceux qui n'en ont pas. Pour les autres, cela permet surtout de les confronter à une réalité sociale qu'ils ne croiseront pas à nouveau avant probablement longtemps.

Ayant bien entendu des aptitudes physiques dignes de Chuck Norris et Arnold Schwarzenegger réunis, je me retrouve pour les 4 mois qui suivent à Montpellier, à l'École du Commissariat de l'Armée de Terre, c'est-à-dire l'Intendance, c'est-à-dire le dernier réservoir possible pour les « branques » dans mon genre. C'est à Montpellier que j'ai appris à dormir debout les yeux ouverts adossé à un mur, que j'ai compris comment avaler un texte totalement stupide quinze minutes avant le contrôle pour l'oublier immédiatement après, que nous avons définitivement mémorisé que « le nucléaire peut causer la mort avec des séquelles graves » (si, si...), que j'ai découvert à ma grande surprise que j'étais excellent au tir au pistolet, et que s'est déroulé l'inoubliable épisode suivant, digne d'un sketch de Coluche :

Je me souviens aussi que l'École hébergeait de nombreux capitaines stagiaires, français ou étrangers. Les capitaines étrangers étaient tous polis, respectueux, souvent intellectuels et cultivés. Les Africains en particulier étaient charmants. Les capitaines français étaient souvent des odieux cons, une armée de parade qui se la pétait. En particulier ce type, avec qui je prenais le TGV vers Paris tous les vendredis et le train de nuit de retour vers Montpellier tous les dimanches... J'avais sympathisé avec lui et nous discutions très souvent. Jusqu'à ce lundi matin où, tous les deux en uniformes dans la rue entre le casernement et l'École, il m'engueula comme du poisson pourri devant trente personnes parce que, dans un froid glacial, j'avais mis une main gelée dans une poche. Connard profond, symptomatique d'une autorité cachant son impuissance et son incompétence par une attitude dictatoriale envers ses esclaves, euh pardon, ses subordonnés.

Après quatre mois éprouvants devant tant de bêtise et surtout la neige et la glace qui recouvraient toute la région en décembre 1986/janvier 1987, je me retrouve affecté au Commissariat de l'Armée de Terre de Nancy/4ème DAM sous l'autorité de l'excellent Commissaire Aguer. J'y resterai jusqu'à la fin Août, sympathisant franchement avec deux Lieutenants et l'inoubliable Maître-Tailleur de la Division pendant que le jeune Commissaire de 23 ans dont le nom m'échappe frimait avec sa Golf GTI au point de se faire recadrer par un des Lieutenants pré-cités.

Le cercle des officiers étant sous notre juridiction, mes patrons et moi avons pris l'agréable habitude de refuser le menu du jour quand il ne nous plaît pas, ordonnant au Major gestionnaire d'aller nous dégoter quelques entrecôtes ! Pendant que nous discutons culture et autres billevesées, les gars des tables environnantes ne parlent que d'alcool, de voitures, de foot, de femmes, et de choses militaires. Ils nous snobent, nous les bras-cassés du Commissariat, et nous nous en portons très bien. Ils sont de toute manière tellement souvent bourrés le soir qu'ils en sont pathétiques. Lors de la visite surprise du Général commandant la Force d'Action Rapide au 1er Juin, nombre d'entre eux seront absents en week-end et leurs hélicoptères afficheront un nombre record de matériels inutilisables. Inutile de vous dire que la remontée de bretelles fut sévère, rapide et en pluie fine...

En Avril ou Mai, le régiment d'à côté téléphona à mon patron et lui demanda s'il n'avait pas un Aspirant en réserve pour gérer une incorporation dans son régiment. Je me retrouvais dans les bâtiments d'en face du mien, à réceptionner 21 gusses de la région. Certains étaient totalement analphabètes, plusieurs n'avaient jamais vu de toilettes pas-à-la-turque de leur vie et nous fûmes obligés de leur expliquer la différence entre toilettes et douches. Je vous garantis que ça calme... Parmi les militaires du rang du Commissariat, ce n'était pas beaucoup mieux. L'un d'entre eux ne prenait jamais le bus pour se rendre en centre-ville ou n'allait jamais prendre un verre, envoyant 455 des 465 Francs de sa solde à sa famille chaque mois, ne gardant que ce qu'il fallait pour rentrer chez lui une fois par mois et revenir à la caserne. On se relayait évidemment pour lui payer le pot ou l'inviter en ville et il passera au plus vite Première Classe pour que sa solde monte enfin de 102 petits Francs à 567 Francs...

À la fin de cette incorporation éprouvante, je me fais renverser par une voiture entre la caserne et le cercle des officiers. On me conduit à l'hôpital militaire proche où on me fait une radio d'une jambe. Le jeune toubib qui me reçoit m'annonce, sans autre forme de procès ou explication, que j'ai une tumeur osseuse et me renvoie au boulot. J'y retourne dans un état totalement second (je n'ai aucun souvenir du trajet) et mon pote lieutenant avec qui je partage un bureau se rend alors compte que quelque chose ne va pas. Je suis livide, complètement à côté de mes pompes, je m'effondre même en larmes. Prévenu, le Commissaire-Colonel passera un savon mémorable au toubib, car je n'ai qu'un truc bénin, une banalité pas dangereuse (un fibrome non ossifiant, pour ceux qui savent).

Quelque temps plus tard, je ferai une crise de spasmophilie assez costaud et finirai dans le même hôpital. Étant officier, on ne voulait pas me loger en Médecine Générale où toutes les chambres individuelles étaient prises. J'ai alors atterri en Neurologie... Pour mon malheur, le médecin-chef du Service faisait des études poussées sur la spasmophilie et il me fera subir pendant trois interminables jours de très nombreux examens inutiles, dont un douloureux électromyogramme, pour finalement crier dans tous les couloirs de son service « J'en ai trouvé un vrai ! ». Je lui ai alors répondu « Merci, vous ne m'apprenez rien, et maintenant je peux partir ? ». J'ai servi de cobaye trois journées et demi, non seulement sans mon accord et mais surtout en manifestant mon désaccord profond. J'aurais été déclaré déserteur si j'avais quitté l'hôpital sans son approbation écrite, même pour retourner à mon bureau, au grand dam de mon patron... L'Armée m'a utilisé comme champ d'investigation pour un ses toubibs, quelque chose que je n'ai jamais pardonné.

Côté Informatique, j'ai craqué et ma chambre nancéienne à la caserne Blandan héberge désormais un bel Atari STfc 1040. Je m'amuse comme un fou dessus et le programme en C et, étonnamment, en Basic ! En effet, un allemand a pondu sur cette plate-forme un compilateur Basic (mais un Basic nettement amélioré) excellent qui s'appelle le GFA Basic.

Atari 1040 STf
Atari 1040 STf
(Crédits photo: Bill Bertram CC-BY-2.5 — Attribution)

L'Atari ST devient avec son 68000 et surtout GEM ma machine de prédilection, tant pour la programmation que les jeux ou encore les maths. Mais je suis à l'étroit et je m'achèterai dans le cours de l'année suivante mon premier disque dur, l'Atari Megafile 30. Un monstre de, rendez-vous compte, 30 Mega-octets, occupant le volume d'une bonne dizaine de disques durs 3"5 actuels et coûtant 3000 Francs de l'époque...

Atari Megafile 30
Atari Megafile 30
(Crédits photo: AtariUser)

Je découvrais alors une revue qui allait pas mal compter pour moi, comme elle a compté dans le paysage informatique pour beaucoup d'autres : STMag, dédiée aux Atari ST... Je débarquais un jour au fond de la cour d'un immeuble du 10ème arrondissement de Paris et j'y fis rapidement la connaissance du Rédac'Chef, François Gabert, qui m'emmena direct déjeuner à son bistro du sud-ouest favori à quelques mètres de là. J'avais évidemment une idée en tête : je commençais l'écriture d'un logiciel de dessin vectoriel sur mon Atari et STMag me semblait le repère des gens avec qui discuter. Gabert - dit Doudou - devint un bon pote avec qui j'avais grand plaisir à discuter et prendre un verre. Depuis son évincement de STMag, il y a donc des lustres, je n'ai eu aucune nouvelle. Si vous le connaissez, merci de transmettre ?

Un de mes articles pour STMag
Un de mes articles pour STMag
(Crédits photo: abandonware-magazines.org)

Mais l'année militaire se terminait et il était temps de songer à revenir à une vie plus normale, Palaiseau au lieu de Nancy. Je prenais congé fin Août des excellents Commissaires Aguer, Matthieu, Goël, de l'ineffable Capitaine Nuzzi et surtout de mes copains lieutenants Fèvre et de Truchis de Varennes pour rejoindre ma promotion.

Dès le début, ce fut un grand moment. Tout d'abord la joie de se retrouver ensemble après le service militaire était énorme. Ensuite les équipements de l'X à Palaiseau étaient tout de même un sacré cran au-dessus de ce qui avait été notre ordinaire pendant une année, si l'on excepte la qualité de la cantine de Polytechnique, le fameux « magnan », tellement dégueulasse que de nombreux élèves évitaient d'y dîner...

Je découvrais rapidement, un énorme sourire aux lèvres, les salles des Macintosh tous reliés par Apple Talk (ce qui permit des gags du genre faire roter tous les Macs de la salle en même temps) tandis que Louis H. me faisait découvrir les Apollo. Pour la petite histoire, j'ai donc envoyé mon premier mail dans les premiers jours de Septembre 1987...

Apollo Workstation
Apollo Workstation
(Crédits photo: Jim Rees CC BY-SA 2.5)

Les Macs surtout étaient assez incroyables... C'était l'ancien modèle, qui n'avait pas encore de disque dur, les premiers SE/30 n'arriveraient que quelques mois plus tard. Mais la qualité des softwares disponibles était clairement sans rival à l'époque.

Apple Macintosh 128
Apple Macintosh 128
(Crédits photo: 9to5mac.com)

N'ayant pas de cours d'Informatique en début d'année mais surtout des cours très scientifiques de maths, mécanique quantique, mécanique, chimie organique et inorganique, j'en passe et des meilleures, je réservais les Macs à l'écriture d'articles pour le journal des élèves, l'InfoKès. Côté programmation, mon Atari ST sous GEM me suffisait et mon logiciel de dessin, désormais nommé Pixel Hunter progressait à grands pas. Mais un événement imprévu me replongea vite dans la programmation ailleurs...

Les clubs des élèves de l'École Polytechnique sont appelés les Binets. Ils sont à la charge d'une promotion pendant un an, et la période de passation des Binets est l'occasion de pas mal de brassage et de fiestas. Moi, en bon fan de bandes dessinnées, le Binet BD m'intéressait fortement. J'y rejoindrai Jean-Marc, Tanguy, Benjamin et Pascal pour un an. Mais la gestion des prêts du Binet était archaïque et il convenait d'informatiser ça correctement. J'ai donc récupéré une vieille bécane qui traînait et écrit à toute vitesse un logiciel de gestion des prêts de nos 1500 BDs. Ce n'était pas parfait, mais ça marchait très bien. Chaque acquisition était ajoutée à la base de données et tous les prêts étaient désormais en base aussi. Cela marchait tellement bien qu'en un an, nous sommes passés de 1500 à 2500 BDs et qu'en fin d'année, seuls 5 ou 6 albums ont été perdus.

L'élection du Bureau des Élèves fut un autre grand moment. Je participais avec quelques copains à la campagne bidon TrostKès qui organisa une course de vélo dans le grand hall de l'École, prit en otages un enseignant et le major de promo et peignit deux kolkhoziens avec un drapeau rouge (la couleur de notre promotion) sur les murs de l'École. Quand la Direction prit peur qu'un journaliste titre « le drapeau rouge flotte sur l'X » en cette période d'encore guerre froide, elle fit repeindre notre drapeau en bleu-blanc-rouge par deux bidasses. Nous comprimes donc que tout ce qui était rouge était subversif et deux d'entre nous firent donc un sort... à la voiture des pompiers du campus. Évidemment, ce qui devait arriver arriva et j'étais dès le lendemain matin 9h en uniforme au garde-à-vous dans le bureau du Lieutenant-Colonel Montels qui m'annonçait « Bon. J'ai le pompier de service qui sort de mon bureau en me demandant pourquoi sa voiture a été repeinte en bleu-blanc-rouge et j'avoue avoir eu un peu de mal, là... J'ai donc pensé TrostKès et comme j'ai pensé TrostKès, j'ai pensé Glazman. Donc Glazman, dites-moi, je vous crante 8 jours ou je vous offre un bourbon ? »... Eh bien son bourbon, venu direct des économats Canadiens, était très bon :-) En bon mili, notre brave LCL Montels que nous adorions, avait apprécié la potacherie et la convocation, de rigueur et de bonne guerre, lui avait semblé suffisante.

Un peu plus tard, le premier cours d'Informatique arriva, dirigé par un grand nom, Patrick Cousot. Soyons honnêtes, son cours fût très mauvais et réussit le tour de force de dégoûter de l'Informatique de nombreux copains de promos, qui le lui rendirent bien en mettant un souk incroyable dans ses amphis. Il m'avoua d'ailleurs bien plus tard que ce fut son dernier cours à l'X... Heureusement, les Travaux Dirigés étaient pour moi sous la houlette de Jérôme Chailloux et Christian Queinec, deux grands noms du Lisp. Mon projet était d'écrire un interpréteur Lisp en Lisp sur Mac, un grand classique amusant. Je pris un bon 16/20 avec la mention des points enlevés par Queinec parce que mon implémentation était plus proche de Common Lisp que de Le_Lisp, un choix que j'assumais entièrement... Je retrouverai J. Chailloux bien plus tard, au W3C mais je me souviens parfaitement de sa seule réponse quand Philippe M., notre major de sortie,  lui demanda si son modèle de données était correct pour son projet d'édition d'harmoniques : « hmmm, hmmm, hmmm, comment ferait un éléphant dans un magasin de porcelaine ? ». 27 ans plus tard, je n'ai toujours pas compris cette réponse...

En cours d'année, un autre événement extraordinaire se produisit : nous nous mîmes en grève pour protester contre la réforme des études dont nous étions en train, malheureusement pour nous, d'essuyer les plâtres. On croulait sous le boulot et la réforme qui introduisait des options appelées Majeures était mal ficelée. Cela se termina par une occupation des locaux de la Direction de l'X, une fiesta dans le bureau du Général et in fine, peu de résultats...

Du 1er Juillet au 13, le calme s'installa enfin et nous passions notre temps en fiestas, déplacements et autres. Sauf que nous avions les entraînements pour le défilé du 14 Juillet... Le 14, ce fut un réveil à 4h du matin pour se retrouver avant 7h en bas des Champs-Elysées, poireauter en Grand Uniforme et épée pendant des heures et enfin défiler. Nous avons marché, y compris devant la tribune présidentielle, en sifflant Auprès de ma Blonde, certains d'entre nous portant des Vuarnet et le haut de nos bicornes pixellisant un grand X86 pour les caméras de télévision. Encore de la potacherie mais celle-ci nous valut une assez belle colère de notre Chef de Corps, le Colonel Leboeuf. Très franchement, on s'en foutait complètement.

Je finissait Pixel Hunter pendant mes week-ends du mois de Septembre, passé en stage ouvrier à l'usine IBM de Montpellier dans un stage pénible et sans intérêt aucun si ce n'est la proximité du Bar du Musée et des plages. Avec quelques khâmarades également en stage dans le coin, nous logions pour pas cher au cercle des officiers de l'École d'Application de l'Infanterie, une énorme erreur, se coltiner les biffins au dîner étant un vrai calvaire.

La seconde année fut un peu différente avec des options plus poussées. Une de mes options personnelles s'intitulait "Informatique et Calcul Formel". Côté Informatique, c'était pour le moins léger mais côté Calcul Formel, ce fût atroce. Les résultats furent catastrophiques pour tout le monde, nous laissant un goût très amer. Heureusement, l'option se terminait par un stage en entreprise et, séduit par l'affabilité d'un certain Jean-François Abramatic qui était venu nous proposer deux stages, je me retrouvais rapidement chez Gipsi S.A. à Saint-Quentin en Yvelines avec mon khâmarade Eric P. assez connu dans la communauté Wine.

Gipsi, un des leaders de l'époque des terminaux X-Window, fût clairement un tournant majeur de ma vie de babasseur. J'y rencontrais des informaticiens fous et géniaux. Qu'on en juge:

Eric et moi devions développer sous SunOS/X Window une application de gestion d'un scanner 600dpi SCSI. Stéphane Querel avait déjà écrit l'API de contrôle bas niveau mais Eric et moi avons planché sur tout ce qui était au-dessus. Je me plongeais dans X et l'Athena Widget Set avec le plus grand plaisir. Pour la petite histoire, ce fût aussi mon premier contact avec un Commercial, qui avait vendu notre produit avant même qu'on ne le finisse, avant même qu'on soit sûr de pouvoir le finir devrais-je dire...

Logo Grif
Logo Grif
(Crédits photo: Wikipedia, domaine public)

Mais le plus important chez Gipsi, c'est qu'un des projets s'appelait Grif. Grif, qui allait faire plus tard l'object d'une spin-off pour donner l'entreprise Grif SA, était un code extraordinaire et relativement unique. Résultat d'années de recherche, c'était un rendering engine non seulement de visualisation mais aussi d'édition pour SGML avec des Feuilles de Styles, un langage de Transformations, du multi-vues et plein de choses croustillantes. Irène Vatton et Vincent Quint qui l'avaient inventé à l'Inria avaient cédé son industrialisation et commercialisation à Gipsi, puis Grif. Vincent deviendra plus tard Deputy Director du W3C et Irène rejoindra le Consortium aussi. Grif aura pour descendance lointaine Amaya, l'éditeur Web du W3C. Donc même si je n'ai pas eu l'occasion de coder dessus dès 1989, cette rencontre allait être décisive pour ma carrière, on le verra dans les chapitres suivants...

La seconde - et dernière - année de Polytechnique se termina sous un soleil écrasant, avec en poche un diplôme valant beaucoup mais ne représentant pas grand'chose, et dans l'attente d'une entrée directement en seconde année à Télécom Paris, en « école d'application » de l'X.

Mais il fallait payer un loyer et la vie parisienne car je n'avais franchement pas l'intention de réintégrer la chambre que j'avais quitté chez mes parents trois ans auparavant... À la faveur du Forum de l'X, je rencontrais les chasseurs de tête de la société Unilog, une société de services depuis maintes fois absorbée. Après moultes discussions et négociations, je signais avec eux un précontrat, c'est-à-dire un salaire pendant mes deux années de Télécom en échange de plusieurs années de présence chez eux après la fin de mes études. Unilog, dans sa grande et confondante nullité de SSII, fut un élément important pour me réorienter vers les geekeries, les vraies.

Au premier Août, je rentrais reposé de bonnes vacances dans les Landes et la suite sera pour le prochain chapitre.